RFI - Article publié le : jeudi 04 avril 2013 -
Dernière modification le : jeudi 04 avril 2013
Sur
le champ de mines, aucun bruit. Le métier de démineur nécessite une
concentration absolue. Le moindre faux-pas et des vies humaines sont en
danger.
RFI/Margot Perrier
Le 4 avril est la journée internationale de la
sensibilisation au problème des mines. Un problème que doit relever le
Soudan du Sud après un demi-siècle de conflits. Chaque année, au moins
4 300 personnes, dont plus de 70% de civils et 42% d'enfants, sont
victimes de mines ou d'engins non explosés dans le monde, soit une
victime toutes les deux heures. Et les mines tuent ou blessent plusieurs
années après la fin d'un conflit, comme au Soudan.
Le « bip-bip » du détecteur de métal retentit dans la brousse.
Le démineur se met alors à genoux pour fouiller méticuleusement le sol à
la recherche d'une mine ou d'une munition non explosée. Accompagné d'un
petit groupe d'hommes, tous de bleu vêtu, ils avancent prudemment,
presque centimètre après centimètre. Le secteur est quadrillé par des
piquets. Blanc : la zone est claire ; rouge : le terrain n'a pas encore
été examiné. Depuis 2005, et la fin de la guerre civile soudanaise,
cette scène est courante dans le nouveau Soudan du Sud. Nombreuses sont
les organisations internationales à ratisser au quotidien ce territoire
plus grand que la France.
Une aide internationale indispensable
Sans expérience, ni matériel et encore moins de moyens financiers, le
Soudan du Sud n'était pas en mesure d'entamer ce travail de titan. Dès
2004, les Nations unies ont donc dépêché une mission pour traiter tous
les types de mines.
« Les combats ont duré plus de quarante ans ! Les deux armées ont eu le temps de poser des mines un peu partout ! »,
explique John Dingley, directeur du programme sud-soudanais auprès du
service de l'action antimines des Nations unies (SLAM).
Au-delà des machines et du personnel pour déminer, le SLAM finance
des programmes de sensibilisation et des partenariats avec par exemple
la police nationale ; « lorsque le gros du déminage sera effectué, la police pourra bientôt se charger de détruire les plus petites munitions », dit encore John Dingley.
Le sud du pays très touché
Comme de nombreux champs de mines, celui-ci est situé près d'une
route, à une cinquantaine de kilomètres de la capitale Juba. C'est
l'organisation South Sudan Integrates Mine Action Service (SIMAS) qui
traite cette zone.
« A terme, cela permettra de développer un axe routier plus large et sécurisé »,
explique Raji Pillai, le responsable du site. A la fin du conflit
aucune piste n'était praticable et le moyen le plus sûr d'atteindre Juba
était l'avion. Cette concentration de mines dans le sud est liée à
l'histoire du conflit ; car c'est autour de Juba que se situaient la
majorité des lignes de front.
L'emplacement des mines reste tout de même aléatoire. Il y a quelques
semaines, deux mères et leurs enfants se reposaient près d'un arbre,
quand l'explosion a tué sur le coup deux enfants et blessé mortellement
un jeune bébé. Seules les mères ont survécu. Les arbres offraient un
terrain de repos idéal pour les soldats, ils avaient donc été minés par
les deux camps.
Un travail d'arrache-pied
Sur le champ de mines, le démineur se relève. Ce n'était ni une mine
ni une munition non explosée mais juste un morceau de métal. Parfois,
après des mois de travail intense, rien n'a été découvert. Mais pour les
démineurs ce n'est pas décourageant, au contraire ! Les populations
pourront utiliser en toute sécurité ce terrain pour planter, couper du
bois ou encore agrandir le village.
Entre les lignes de piquets, sur le champ de mines, pas un bruit. Les démineurs sont extrêmement concentrés. « C'est obligatoire, explique Rambo Isaac, un seul faux-pas et le démineur met sa vie, et celle de ses collègues, en danger. »
Près de 5 000 victimes
Rambo Isaac a décidé de s'engager dans la lutte anti-mines pour que
ses enfants et tous les autres puissent jouer à l'extérieur. Ils sont
victimes des munitions non explosées avec lesquelles ils s'amusent. Les
travailleurs dans les champs sont également susceptibles d'être blessés
ou tués. Le SLAM a recensé 4 714 victimes civiles depuis 2004, et trouve
que le chiffre est sous-estimé.
Le problème des réfugiés n'est pas pris à la légère. Depuis la fin de
la guerre, des milliers de personnes transitent dans le pays : les
civils ayant fui vers les villes repartent dans les campagnes, plus de
116 000 Sud-Soudanais sont rentrés du Soudan et avec plus de 500 000
Sud-Soudanais enregistrés au Soudan, une nouvelle vague d'immigration
est à craindre. Les personnes se déplacent sans connaissance du terrain
et sont victimes des mines ou autres formes d'explosifs.
« Le déminage est laborieux pour nos 36 équipes car la saison des pluies empêche l'avancée des travaux »,
rappelle John Dingley, le directeur de SLAM au Soudan du Sud. Les
chiens renifleurs d'explosifs, les machines qui détruisent les mines et
les démineurs sont incompatibles avec la moisson. Les chiens ne sentent
rien à cause de l'humidité, les machines s'embourbent, et les hommes
sont parfois incapables de rejoindre un champ de mines. Le pays ne
possède pas encore assez de routes asphaltées pour se déplacer
facilement.
Pour autant, le SLAM se réjouit d'une avancée considérable en moins de dix ans : « D'ici
cinq ans, si nous gardons les mêmes moyens matériels et financiers,
nous aurons rendu le Soudan du Sud sûr pour ses populations », estime John Dingley.
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