TV 5 Monde - Paris (AFP) - 20.11.2014 13:31
Par Michel MOUTOT
Capture d'écran fournie le 19 novembre 2014 par le centre américain de surveillance des sites islamistes (SITE) montrant Abou Maryam, Abou Osama et Abou Salman, dans une video de propagande
Capture
d'écran fournie le 19 novembre 2014 par le centre américain de
surveillance des sites islamistes (SITE) montrant Abou Maryam, Abou
Osama et Abou Salman dans une video de propagande afp.com -
La multiplication par l'organisation Etat islamique de vidéos
mettant en vedette des jihadistes français confirme la gravité de la
menace qui pèse sur la France, confrontée à un phénomène que rien ne
semble pouvoir endiguer.
Jeudi matin, les experts de la police et
des services de renseignement examinaient une nouvelle vidéo postée la
veille par l'EI, dans laquelle trois jihadistes appellent en français
leurs "frères musulmans" à les rejoindre et menacent leur pays d'origine
d'attentats.
"La vidéo est depuis mercredi soir en analyse par
les experts de la DGSI", la Direction centrale du renseignement
intérieur, a confié à l'AFP une source proche du dossier.
Ils
vont tenter de mettre un nom sur les visages de trois jeunes hommes
barbus, en treillis, armés de kalachnikovs qui, sous les pseudonymes de
Abu Osama al-Faranci ("père d'Osama, le Français"), Abu Maryam
al-Faranci, et Abu Salman al-Faranci, appellent les musulmans de France à
émigrer "dans le Califat, la terre d'islam".
Plus inquiétant, ils
demandent à ceux qui ne veulent ou ne peuvent pas les rejoindre dans
les régions de Syrie et d'Irak tombées aux mains de l'EI à passer à
l'action sur le sol français, à "tuer des mécréants" par tous les moyens
possibles, à semer l'angoisse et la peur dans la société française.
La
vidéo de sept minutes, filmée, montée et produite pour atteindre une
qualité professionnelle, se termine par un gros plan sur un feu dans
lequel les jihadistes, certains le visage découverts et d'autres portant
cagoules, brûlent leurs passeports français, pour symboliser leur refus
de jamais revenir en arrière.
Pour parvenir à mettre un nom sur
ces visages et derrière ces pseudonymes, les experts vont faire appel à
une technique mêlant l'utilisation de logiciels, notamment de
reconnaissance faciale, et enquêtes classiques de services de
renseignement.
- Echec à Kobané ? -
Après
l'identification de deux Français parmi les bourreaux de plusieurs
Syriens présentés comme des soldats du régime de Damas et d'un
travailleur humanitaire américain, la France prend désormais la mesure
d'un phénomène qui ne cesse de s'amplifier malgré l'adoption récente
d'une loi anti-terroriste venue durcir une législation déjà parmi les
plus répressives du monde occidental.
Avec plus d'un millier de personnes concernées, près de 400 jeunes Français dans les rangs de mouvements jihadistes
en Syrie ou en Irak, 118 de retour dans l'hexagone et 51 tués dans des
combats ou des attentats-suicide, la France est, avec la Belgique, au
premier rang des pays occidentaux pour l'envoi de volontaires auprès de
l'EI.
"La France est particulièrement touchée par ce phénomène
parce que d'une part, il y subsiste des réseaux qui ont envoyé de
nombreux volontaires se battre contre les Américains en Irak à partir de
2003", explique à l'AFP Louis Caprioli, ancien chef du
contre-terrorisme à la DST (ancien nom du service de renseignement
intérieur français).
"Une autre explication est aussi sans doute
l'action du mouvement de prédication islamique Tabligh, très actif dans
les villes et les banlieues françaises depuis le milieu des années 90.
Ces efforts de ré-islamisation des jeunes issus des communautés
immigrées portent leurs fruits maintenant. Et même si le nombre de
convertis qui partent faire le jihad est important, on parle de 20 à 25%
du total, ces conversions sont le plus souvent dues à une proximité
avec des membres islamisés de la communauté immigrée", ajoute-t-il.
"Il
n'y de toutes façons pas une explication unique derrière un départ pour
le jihad, c'est un faisceau de facteurs. Et l'un d'eux est
l'extraordinaire qualité de la communication de l'Etat islamique, qui
maîtrise parfaitement tous les outils d'internet".
Hormis la
France, aucun autre pays étranger n'a jusqu'à présent dit avoir
identifié les autres combattants qui apparaissent à visage découvert
dans la dernière vidéo de décapitation du groupe Etat islamique.
Dans
la région, le coordinateur américain de la coalition internationale
anti-EI, le général à la retraite John Allen, a jugé que les jihadistes
de l'EI ne vaincront pas dans la ville syrienne kurde de Kobané, qui
résistent depuis des semaines à l'organisation jihadiste.
"De
bien des points de vue, l'EI s'est lui-même empalé sur Kobané", a-t-il
dit dans un entretien publié jeudi dans le quotidien turc Milliyet, à
l'occasion d'une visite à Ankara. "L'EI va finir par se rendre compte
qu'il ne gagnera pas cette bataille", a-t-il ajouté.
© 2014 AFP