RFI - Article publié le : mercredi 17 octobre 2012 -
Dernière modification le : mercredi 17 octobre 2012
Les
FARC ont renoncé au début de cette année aux enlèvements contre rançon
mais détiendraient toujours une vingtaine de personnes.
REUTERS/Fredy Builes
Les négociations entre le gouvernement colombien et la
guérilla des Forces armées révolutionnaires colombiennes (FARC), pour
tenter de trouver une issue au conflit qui les oppose depuis près d’un
demi-siècle, doivent débuter ce mercredi 17 octobre en Norvège. Les
premiers échanges auront lieu à huis clos et une conférence de presse
sera donnée le jeudi 18 octobre à Oslo. Ce n'est pas la première fois
que de tels pourparlers ont lieu, mais les conditions n'ont jamais été
aussi favorables.
En près de cinquante ans de conflit, c'est la quatrième
tentative de négociations entre le gouvernement colombien et la guérilla
des FARC. Les trois précédentes se sont soldées par des échecs. Mais
cette fois, le contexte est différent. Les discussions ont été mieux
préparées par les deux parties, et le rapport de force sur le terrain a
basculé en faveur de l’armée.
Un nouveau rapport de forces
Lorsqu’il annonce la reprise de négociations avec la guérilla le 4
septembre dernier, le président colombien fixe ses conditions. Juan
Manuel Santos refuse tout cessez-le-feu préalable et déclare ne pas
vouloir « céder un seul millimètre de terrain » à la guérilla. Le chef de l’Etat dit avoir tiré les leçons de l’expérience tentée entre 1998 et 2002.
Durant les pourparlers menés alors par le gouvernement d’Andrés
Pastrana, la démilitarisation d’une vaste zone autour de San Vicente del
Caguán (un territoire de 42 000 km2 dans les départements de Caquetá et
de Meta) avait permis aux FARC de se renforcer de façon considérable.
Au terme de ces quatre années de vaines discussions, la guérilla avait
développé le trafic de drogue et s’était massivement armée.
Si le chef de l'Etat colombien a, cette fois-ci, pu imposer son cadre
de discussions, c'est notamment en raison d'un rapport de forces
favorable sur le terrain. Suite à l’intense effort de guerre fourni sous
la présidence d’Alvaro Uribe (2002-2012), avec le soutien actif des
Etats-Unis, les FARC ont en effet enregistré un important recul
militaire.
Estimés à 20 000, il y a dix ans, les membres de la guérilla ne
seraient plus que 9 000 aujourd’hui. Les FARC ont de surcroît perdu de
nombreux chefs historiques. Mais la guérilla reste solidement implantée
sur de grands territoires et continue à infliger des pertes régulières à
l’armée. Après un demi-siècle d’affrontements, la guerre est devenue un
véritable fardeau pour les deux parties. Déterminé à arracher un accord
de paix à la guérilla, le gouvernement Santos affiche sa fermeté. Le
jour même de l’annonce présidentielle à propos de la tenue de
pourparlers avec la guérilla, l’armée abat Danilo, le chef du 33e front,
un proche du chef des FARC, Timochenko.
Des concessions politiques
La tenue des pourparlers de paix a été bien préparée sur le plan
politique. Au cours des derniers mois, le gouvernement a pris un certain
nombre de mesures pour faciliter des progrès dans la négociation. Une
loi sur la redistribution des terres, thème cher aux FARC, (l’inégalité
foncière est aux sources de la naissance de la guérilla, dans les années
1960), a été adoptée, ainsi qu’un texte qui prévoit des compensations
pour les victimes du conflit. Enfin, la Constitution a été amendée pour
permettre, en cas d’accord de paix, aux membres de la guérilla de
réinsérer la vie civile sans faire face à la justice.
Le texte autorise, de plus, les combattants, une fois désarmés, à
entrer dans le jeu politique, et à se présenter comme candidats au
Parlement, et même à la présidence de la République, à l’exception des
auteurs de crimes contre l’humanité. La guérilla a aussi montré des
signes de bonne volonté. En mars dernier, elle a libéré un certain
nombre d’otages militaires et policiers qu’elle détenait depuis plus de
dix ans, et s’est engagée à ne plus recourir aux enlèvements contre
rançon.
L'arrivée d'acteurs extérieurs
Deux pays proches de la guérilla ont décidé de jouer le jeu de la
négociation : Cuba et le Venezuela. Ces deux Etats ont intérêt à voir
résoudre le conflit colombien, l’un des derniers reliquats de la guerre
froide. Cuba, diabolisée depuis des décennies par les Etats-Unis, sous
couvert de la guerre froide, et le Venezuela, accusé de soutenir le
terrorisme, ont l’occasion de démontrer qu’ils peuvent jouer un rôle
dans la résolution des conflits et la stabilisation du continent
américain. Cuba espère, in fine, obtenir la levée de l’embargo
américain, justifié par la crainte de voir la révolution cubaine faire
tâche d’huile sur le continent.
L’implication de la Norvège dans le processus est enfin un gage de
sérieux. Oslo a une longue expérience des négociations difficiles, que
ce soit au Proche-Orient, au Sri Lanka ou en Amériques latine.
La prudence reste de mise
Malgré ces auspices plutôt favorables, rien ne garantit que les
négociations aboutissent. Les FARC, organisées en différents fronts, ne
sont pas nécessairement unies dans leur volonté de faire la paix. Pour
la guérilla, la paix impliquerait l’abandon d’un trafic de drogue très
lucratif. D’après une estimation du Centre d’études sur sécurité et les
drogues (Cesed), les FARC enregistreraient un chiffre d’affaires
d’environ 1 500 millions de dollars par an provenant du trafic de
drogue, soit l’équivalent de 6% du PIB de la Colombie.
L'amnistie prévue en cas d'accord de paix pose par ailleurs des
problèmes de politique intérieure. Beaucoup de Colombiens et en
particulier les familles des victimes des FARC sont totalement opposées à
l’idée de voir les guérilleros intégrer la vie politique en toute
impunité. Mais selon un récent sondage, plus des deux tiers de la
population soutiennent les négociations. Les Colombiens sont néanmoins
partagés sur leurs chances d'aboutir : 45 % pensent qu'elles se
concluront par un succès, 41,6 % par un échec.
Les victimes ne veulent pas être oubliées
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Avec notre correspondante à Bogota, Zoé Berri
Les victimes du groupe marxiste, qui craignent d’être oubliées dan Cette femme fait partie des milliers de victimes colombiennes qui espèrent réparation. Même si es ces négociations, y seront tout particulièrement attentives, notamment les familles des anciens otages. Noemi Julio ne ratera pas la première rencontre entre le gouvernement et la guérilla qui en 2007 a enlevé son fils policier pour ne le lui rendre que quatre ans plus tard.lle dit avoir pardonné, elle pense que les anciens geôliers de son fils doivent être jugés : « Il est logique qu’ils payent pour leurs erreurs et que la justice les condamne. J’espère que ces messieurs regrettent ce qu’ils ont fait parce que notre famille a beaucoup souffert. Je voudrais leur dire ce que leur disent tous les Colombiens, notre président, nos forces armées : qu’ils ont suffisamment fait souffrir de gens, qu’ils doivent accepter les conditions offertes par le gouvernement, qu’ils se démobilisent et que notre pays soit en paix ! C’est ce que veulent nos familles, surtout celles qui ont toujours un fils otage : que la guérilla leur dise où ils se trouvent, et que tous recouvrent la liberté ». Les FARC ont renoncé au début de cette année aux enlèvements contre rançon mais détiendraient toujours une vingtaine de personnes, selon la fondation Paz libre ; des dizaines d’autres sont encore portées disparues. La question divisera le pays ces prochains mois : au nom de la paix, faudra-t-il ou non amnistier la guérilla pour ces cas et les autres crimes commis ces dernières décennies. |
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