Article publié le : jeudi 05 décembre 2013 à 08:24 -
Dernière modification le : jeudi 05 décembre 2013 à 10:37
Des sympathisants du Parti des régions se sont réunis à Donetsk, dans l'est de l'Ukraine, le 4 décembre 2013.
REUTERS/Valeriy Bilokryl
Alors que l’opposition tient toujours le centre de Kiev, plus
de 10 000 personnes se sont réunies mercredi 4 décembre à Donetsk, une
ville russophone de l’Est du pays. Objectif : soutenir la politique du
président Ianoukovitch, le rapprochement avec la Russie et réclamer « la fin de l’anarchie à Kiev ». Le tour de la question en trois points.
Avec notre correspondant à Kiev, Laurent Geslin
Pourquoi le mouvement de contestation qui a enflammé Kiev ne s'étend pas à Donetsk ?
Le président Viktor Ianoukovitch, le Premier ministre Mykola Azarov,
les principaux cadres du Parti des régions et les oligarques qui les
soutiennent sont originaires du Donbass, cette région industrielle et
minière de l’est de l’Ukraine. Donetsk est le fief du pouvoir ukrainien,
son centre névralgique. Il est donc tout à fait inconcevable pour le
président Ianoukovitch de laisser la moindre contestation se développer.
Dans cette région, tous les mouvements d’opposition sont étouffés
dans l’œuf. D’autre part, les Russophones de l’Est de l’Ukraine
n’espèrent plus depuis longtemps que le pouvoir en place puisse un jour
améliorer leurs conditions de vie, mais ils est très difficile pour eux
de soutenir les nationalistes ukrainiens de l’Ouest du pays.
Enfin, beaucoup de citoyens du Donbass ont des liens familiaux ou
économiques avec la Russie voisine. Si l’Ukraine se rapproche de
l’Europe, si les frontières avec la Russie se ferment, la région
deviendra un cul-de-sac.
A Kiev, les manifestations sont imprévisibles et spontanées ; à Donetsk, elles sont organisées…
La manifestation de mercredi a rassemblé de 10 à 15 000 personnes
mais beaucoup parmi les présents étaient en fait des ouvriers des usines
et des mines contrôlées par l’Etat. Des bus sont simplement affrétés
pour transporter les employés et il est conseillé de venir au
rassemblement pour conserver son emploi. Le maire de Donetsk et le
gouvernement de la région étaient présents à la tribune hier après-midi.
Ils ont réaffirmé qu’ils n’étaient pas anti-européens, mais simplement
que l’Ukraine n’avait pas besoin de Bruxelles pour se développer. Ils
ont bien sûr aussi souligné leur soutien indéfectible au président
Viktor Ianoukovitch et condamné les manifestants qui « propageaient l’anarchie » à Kiev…
→ A (RE)LIRE: Vitali Klitchko: ancien boxeur, futur président?
Que se passera-t-il à Donetsk si le mouvement de contestation se poursuit à Kiev ?
On peut penser que le pouvoir tentera de mobiliser en masse ses
partisans, pour montrer que toute l’Ukraine ne soutient pas les
manifestants de la place de l’Indépendance. Pour que l’opposition prenne
un jour le pouvoir en Ukraine, il lui faudra pourtant trouver un moyen
de s’assurer le soutien des régions de l’Est du pays. Si l’économie
ukrainienne continue de se dégrader, si les ouvriers et les mineurs du
Donbass perdent leurs emplois, cette occasion pourrait un jour arriver…
→ A (RE)LIRE: Le pouvoir tente de désamorcer la crise
■ ZOOM : un pouvoir réel aux mains d'une centaine d'oligarques
L’un des phénomènes à la base du rejet de l’équipe dirigeante
ukrainienne par une partie de la société, c’est l’opacité totale du
réseau d’intérêts d’une centaine de personnes qui détiennent le pouvoir
réel en Ukraine. Un groupe d'oligarques dont les intérêts particuliers
passent avant celui de la nation.
Il suffit de regarder la progression constante du propre fils du
président Ianoukovitch sur la liste des Ukrainiens les plus riches,
depuis l’accession de son père au pouvoir, pour se rendre compte des
ambitions prioritaires de ceux qui gouvernent le pays.
Quand on ajoute l’implication directe de plusieurs oligarques dans
l’administration présidentielle, on obtient un système opaque, fermé et
concentré sur l’enrichissement personnel. Or, c’est dans le cadre de ce
système que se décide l’orientation pro-européenne ou pro-russe des
autorités ukrainiennes.
Celle-ci n’est pas toujours claire. Les oligarques auraient en
principe beaucoup à perdre avec l’adoption des règles claires et
transparentes du business imposées par l’Union européenne. Mais, en même
temps, plusieurs secteurs auraient intérêt à trouver de nouveaux
marchés et des partenaires plus modernes. Pour l’instant, les oligarques
investissent peu dans le tissu industriel obsolète et bloquent
l'apparition d’une classe moyenne locale, en freinant ainsi la
modernisation du pays.
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