Article publié le : vendredi 03 août 2012 -
Dernière modification le : vendredi 03 août 2012
Hassan Nasrallah lors de son intervention diffusée sur al-Manar, la chaîne TV du Hezbollah, le 24 juin 2011.
Manar TV via Reuters Tv
Le Hezbollah ne cache plus son inquiétude face à la crise
syrienne. Deux courants se dessinent au sein du parti : celui qui estime
que la bataille en Syrie est la sienne et qu’il faut se tenir aux côtés
du régime, et celui qui veut s’en dissocier et appréhende déjà la
période post-Assad. La position officielle du « parti de Dieu » est que
le voisin syrien est victime d' « un complot ourdi par les Etats-Unis, avec la complicité d'Etats du Golfe, pour servir les intérêts d'Israël ».
De notre correspondant à Beyrouth
Le Hezbollah a fait son choix en Syrie, sous l'impulsion de son
secrétaire général, le rassembleur Hassan Nasrallah. La position
officielle du « parti de Dieu » est que le voisin syrien est victime
d' « un complot ourdi par les Etats-Unis, avec la complicité d'Etats du Golfe, pour servir les intérêts d'Israël ». Le président Bachar el-Assad est qualifié de « résistant », qui a appuyé « politiquement, matériellement et moralement les mouvements de résistance anti-israéliens libanais (Hezbollah) et palestiniens
(Hamas et Jihad islamique) ». Hassan Nasrallah est allé plus loin, le
18 juillet, en révélant que la majorité des 4 500 roquettes et missiles
tirés sur Israël lors de la guerre de juillet 2006 « ont été livrés par la Syrie ». L'Occident veut le punir pour cela.
Le Hezbollah inscrit donc l'événement syrien dans le cadre de la
confrontation globale entre les Etats-Unis, Israël et leurs alliés
européens, turcs et arabes d'un côté, l'« axe de la résistance » (Iran-Syrie-Hezbollah) et ses amis russes, chinois des Brics (*) de l'autre. L'enjeu n'étant pas moins que la fin de l' « hégémonie américaine sur le monde et le rééquilibrage des relations internationales ».
Inquiétudes et incertitudes
Mais, derrière ce discours officiel se cache une grande inquiétude
sur l'issue de la crise syrienne et un profond débat sur l'attitude à
adopter en cas de chute du régime. Ces discussions portent sur des
questions existentielles et se déroulent dans les instances supérieures
de ce parti déjà très secret, loin des oreilles indiscrètes. Des rares
informations qui filtrent, on peut deviner un sentiment d'incertitude
et, parfois, des divergences concernant les choix d'avenir. Parler de
divisions ou de dissensions au sein du commandement suprême du Hezbollah
serait toutefois abusif.
Il n'en reste pas moins que certains responsables politiques prônent
un recentrage de la position du parti et une plus grande ouverture sur
les mouvements islamistes sunnites qui ont pris le pouvoir en Egypte et
en Tunisie ; des tentatives d'initier un dialogue sunnite-chiite ont
d'ailleurs déjà été amorcées. Personne ne plaide pour un changement
d'alliances régionales, mais quelques-uns estiment que le parti ne
devrait plus afficher ouvertement un soutien indéfectible au régime
syrien et devrait même envisager de s'en éloigner progressivement.
Il serait hasardeux de donner des noms à ceux qui défendent ces
différentes options, car les discussions se déroulent entre quatre murs.
Cependant, le passé tumultueux des relations entre la Syrie et le
Hezbollah implique nécessairement l'existence au sein des deux camps de
responsables qui ne s'apprécient guère, ou même qui se détestent.
Des relations au passé tumultueux
En effet, il ne faut pas oublier que la mésentente, voire
l'hostilité, a longtemps marqué les relations bilatérales. Dans les
années 80 du XXe siècle, Damas appuyait au Liban l'autre mouvement
chiite Amal (dirigé par le président de la Chambre Nabih Berry), lors de
la guerre fratricide qui l'a opposé au Hezbollah et qui a fait des
milliers de morts et de blessés.
A l'apogée de la lutte d'influence entre la Syrie et l'Iran au Liban,
Téhéran avait encouragé une scission au sein d'Amal, en 1983, conduite
par l'actuel député du Hezbollah, Hussein Moussaoui. Même si la Syrie et
l'Iran était des alliés face à l'Irak de Saddam Hussein, Damas
n’appréciait guère les tentatives de l'Iran de s'infiltrer au Liban,
qu'il considérait comme sa chasse gardée.
Cette d'influence a pris une tournure sanglante à deux reprises. Pour
se venger d'un affront infligé aux « observateurs » syriens dans les
rues de Beyrouth, en 1986, les troupes syriennes, de retour dans la
capitale libanaise un an plus tard, ont commis un massacre dans une
caserne du Hezbollah. Quinze membres du parti avaient été exécutés, les
yeux bandés, face au mur.
En septembre 1993, alors que la Syrie était engagée dans les
négociations de paix avec Israël, le Hezbollah a organisé une
manifestation de protestation. L'armée libanaise, équipée et entraînée
par les Syriens, a ouvert le feu tuant 13 personnes près de l'aéroport
de Beyrouth. De nombreux autres incidents moins connus mais non moins
importants ont entaché les relations entre les deux parties pendant des
années.
Nasrallah a le dernier mot
Ce n'est qu'avec l'accession de Hassan Nasrallah à la tête du
Hezbollah, en 1992, que les relations avec Damas se sont progressivement
améliorées. Le cheikh a donné la priorité à la résistance contre les
troupes israéliennes, qui occupaient une partie du Liban, éloignant le
parti des méandres de la politique interne libanaise. On le voit bien,
pendant près d'une décennie, les rapports entre la Syrie et le Hezbollah
étaient faits de violence et de sang, ce qui a certainement eu des
séquelles indélébiles. Ce sont justement ces traces résiduelles qui
remontent à la surface dans les moments de crise.
Toutefois, les grandes décisions d'ordre stratégique au sein du parti
ne peuvent être prises sans l'aval de la structure militaire dont le
poids est décisif. Or, les militaires savent très bien combien l'aide
logistique et matérielle fournie par le régime syrien est importante.
Les principaux camps d'entraînement et dépôts d'armement du Hezbollah se
trouveraient en Syrie, loin de l'aviation israélienne, qui domine
l'espace aérien libanais. Les militaires sont conscients que la chute du
régime de Bachar el-Assad constituerait une perte inestimable,
peut-être irremplaçable. Hassan Nasrallah, qui est en même temps le chef
politique et militaire suprême, est bien placé pour le savoir. C'est
lui qui a le mot de la fin.
(*) Brics: Brésil, Russie, Inde, Chine, Afrique du Sud.
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